HOLO

2023 – film, sculpture, | Grand Quevilly; Normandie, France
Julia Borderie & Eloïse Le Gallo


Exposition : Maison des arts de Grand Quevilly
Partenaires : Institut national de recherches archéologiques préventives, HAROPA PORT.
HOLO a été sélectionné par la commission mécénat de la Fondation des Artistes qui lui a apporté son soutien.
Le projet a également bénéficié du soutien du Fresnoy – studio national via l’aide aux projets extérieurs

À la surface du globe, les géologues ont planté des clous d’or. Ces points de référence marquent des lieux stratégiques qui permettent d’étudier des ères géologiques complètes grâce aux fossiles accumulés dans les sédiments. Ils racontent l’apparition et la disparition d’espèces, les changements climatiques majeurs et les variations du niveau marin.
À la croisée de la sculpture et du film, le projet de recherche présenté à la Maison des arts Agnès-Varda du duo d’artistes, Julia Borderie & Éloise Le Gallo, s’empare de cet outil scientifique utilisé en chronostratigraphie³ comme d’un objet poétique. Catalyseur de récit fictionnel, le clou est ici une clef pour imaginer les temps géologiques où d’autres êtres vivants peuplaient continents et océans.

Par ailleurs, avec HOLO, Julia Borderie & Éloïse Le Gallo prolongent leur exploration des sous-sols du bassin parisien et de ses sédimentations, accompagnées pour l’occasion par les archéologues de l’Inrap. Entre le port de Rouen, l’antenne de l’Inrap à Grand Quevilly et les espaces de la Maison des arts et de l’artothèque à Grand Quevilly, les artistes ont construit les conditions de rencontres entre scientifiques et habitant·es propices à la confrontation de récits, à l’expression d’une pluralités de gestes, à la naissance de fictions.

D’un film à l’autre, présentés dans l’espace d’exposition de la Maison des arts, les deux artistes ont posé leur regard sur la main et les gestes qui en découlent. La main humaine a ceci de particulier qu’elle est l’organe central de l’évolution humaine. La valeur humaine du geste se situe à la fois dans la marche verticale et dans ses conséquences sur le développement du cerveau. La main très vite cesse d’être outil pour devenir moteur1.
D’un remontage de silex au démontage d’un moteur de drague, la caméra des artistes scrute les gestes de manipulation et provoque la rencontre entre les éclats d’un silex taillé il y a plusieurs milliers d’années avec les pièces d’un moteur de bateau construit au XXIe siècle. Entre les deux, les gestes de fondeurs accompagnent l’écoulement d’un métal en fusion dans le creuset d’un moule. Gestes simples et très techniques, les mains qui sont filmées suggèrent des récits de vie, des récits d’histoires humaines ou géologiques, individuelles ou collectives, telles ces mains en noirs et blancs qui dessinnent dans le sable des formes entre gestes d’enfance et de fouilles archéologiques révélant les traces d’activités humaines.

Explorant la fluidité et influencées par la prégnance des images d’Andreï Tarkovsky et l’expérience psychédélique onirique des films de Bruce Conner, Julia Borderie & Éloïse Le Gallo conçoivent leurs films comme des moyens de pénétrer les paysages à différentes échelles, comme pour s’y incorporer, troublant la perception des espaces et des temporalités. Récemment, elles ont été amenées à s’interroger sur les complémentarités entre forme savante et forme sensible, dans des collaborations avec des scientifiques. Ici c’est dans la friction avec la forme ancestrale de transmission du savoir par l’oralité qu’elles interrogent le potentiel imaginaire des récits scientifiques. Dans la continuité de leurs films réalisés au Fresnoy sous la tutelle de Ben Rivers et de Julien Prévieux, ce projet s’attache à explorer collectivement une forme de récit à la lisière du documentaire et de la fiction.

Ainsi, les courts métrages proposés s’inscrivent dans la continuité d’une recherche entamée en 2020 autour de la Seine, des activités anthropiques qui y sont liées (marins, mariniers, plongeur.euses, archéologues, géologues, carriers) et de l’histoire géologique du bassin séquanien. Les premières étapes de cette recherche réalisées avec l’association Dans le sens de Barge, projet nommé «Le silence des coquilles», leurs avaient déjà permis de travailler dans les alentours de Rouen, du Havre et de leurs ports. Pour l’exposition à la Maison des arts, elles ont réengagé ces premières collaborations et tissé de nouvelles, notamment avec des chercheur.euses de l’Institut national de recherches archéologiques préventives à Grand Quevilly, l’Espace jeunesse et l’espace senior Levis de Grand Quevilly, ainsi qu’une fonderie de bronze. Fruit de ces recherches et collaborations, l’exposition s’envisage telle une invitation à naviguer à travers les différentes temporalités de l’activité humaine, dans le rapport de révélation mutuelle qu’entretiennent le passé et le présent.

Marie-Laure Lapeyrère




HOLO, 2024
Maison des arts de Grand Quevilly
© Photo : Fred Margueron


Minutes de terrain, 2024, 3’11 et 7’43
Diptyque de films Super 8 développés au caffenol puis numérisés

REMONTAGE | Tachychronie, 2024, 9’
Film 16 mm numérisé

REMONTAGE | Lithostase, 2024, 11’55
Film 16 mm numérisé


STASES ET CHRONIES, 2024, 6’38
Film 16 mm numérisé